NO EASY WAY OUT

Guillaume PILET

 

Entretien avec Guillaume Pilet, janvier 2022

Joy : Cette exposition apparaît au premier regard comme très construite, très élaborée, on sent que tu savais tout de suite où tu voulais aller, c’est exact?

Guillaume : Peut-être plus que jamais, les références que je convoque dans ces nouvelles oeuvres sont très directes. J’ai voulu qu’elles aient une immédiateté presque signalétique. Je récupère des motifs qui sont constamment réactivés dans le paysage visuel contemporain, qui appartiennent à un passé qui déborde sans cesse sur le présent. Je suis sensible à la réification de ces motifs et à la fluidité de leur signification.

Joy : Ces récupérations sont aussi des citations plus ou moins conscientes pour créer un nouveau code de lecture ?

Guillaume : Le motif de la grille est un emblème de la peinture moderne. C’est un élément de composition radical et minimal, peut-être aussi une commodité. Ici, je déploie ces grilles sur des châssis irréguliers, qui engendrent des déformations. Aussi, le fond blanc est appliqué à l’éponge sur le noir, ce qui redouble la sensation de vibration. J’aime l’idée d’altérer la rigidité du motif et ainsi son histoire. Ces grilles sont aussi des prétextes pour évoquer d’autres images, de les aplatir. Ainsi Mondrian passe de l’icône à la caricature, la spirale de Fibonacci fait écho autant à l’obsession mystique pour le nombre d’or à la Renaissance qu’à la récupération sur le web du même motif à des fins humoristiques…

Joy : Le medium de la céramique – que tu affectionnes depuis de nombreuses années – prend ici toute son importance avec quatre sculptures emblèmes de notre société de l’instantané, figées ici dans leur trivialité première…

Guillaume : L’utilisation d’images a priori banales relève pour moi de la réappropriation. Je prends des éléments préexistants et manufacture des artefacts que j’investis de sens qui me sont propres, d’un pas de côté qui les singularise. J’ai représenté quatre objets qui sont aussi pour moi des archétypes. Ainsi je donne du volume à l’emoji représentant un clown, outil de langage universel et emblème de la parodie. Le marteau, un autre outil, permet à la fois de construire et de détruire… et ici il s’érige en une forme sculpturale fébrile… Le canard WC est un objet magnifique aussi bien au niveau plastique que conceptuel; la forme est induite par sa fonction et définit aussi par analogie morphologique son nom. Enfin, la grande tasse portant l’inscription YOUR TEXT HERE représente un objet spéculatif qui ne devrait pas exister en tant que tel. C’est l’image d’un objet standardisé, à la fois le plus banal et le plus fréquemment personnalisé, dont la représentation rudimentaire et surdimensionnée en céramique tutoie la métaphysique. Une image mentale qui s’invite dans le réel.

Joy : Finalement c’est le processus de création même qui est interrogé dans cette exposition au nom évocateur, NO EASY WAY OUT ?

Guillaume : La conversion d’une idée en matière, le glissement du virtuel dans le réel et vice versa, la persistance d’une image mentale dans l’imaginaire collectif… Autant d’enjeux de représentation qui relancent inlassablement la dialectique des processus créatifs, créant des boucles et des interstices, des vortex et des matrices, qui augmentent le réel et le mettent à distance… il n’y a décidément pas d’issue facile.

Date

Du 27/01/22 au 19/03/22

Vernissage

le 27 janvier de 14h à 20h